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1 octobre 2012 1 01 /10 /octobre /2012 10:45

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                                   La petite fée

 

 

                                                                               épisode 3

 

 

 

 

La reprise de nos habitudes nous apporta oubli et apaisement, je rêvais de moins en moins, malgré les affiches toujours présentes.

Elle s'appelait Jane, la petite fée.

Le père Jean nous rendit souvent visite, il s'inquiétait, il nous engageait à prier pour le repos des âmes.

Ce soir-là, après mon travail, une indicible force m'attira au pays des Olmèques. Le père de Jane était là, assis en tailleur à l'ombre d'un monolithe. Lui qui m'avait fortement impressionné à l'hôtel, m'apparaissait si minuscule, si vulnérable au pied de ces gigantesques visages impassibles. Il pleurait, les larmes coulaient, silencieuses, sur son visage défait.

Lorsqu'il m'aperçut, il me fit signe d'approcher. Il se mit à me raconter sa vie en Angleterre, sa famille, son épouse, ses petites filles, des jumelles. Cela faisait un an que Kate avait trouvé la mort dans un accident de baignade, sa femme y avait assisté et ne s'en était jamais remise. Très choquée, elle avait longtemps refusé de voir Jane, elle s'était mise à voyager. Ils venaient à peine d'arriver au Mexique lorsque Jane avait disparu au cours d'une promenade avec sa mère. Un peu troublée par ce récit, j'hésitai à lui raconter mes rêves, mais le voyant tellement malheureux, je me hasardai. Je compris, mais trop tard, que j'avais allumé l'espoir dans son esprit, je le compris lorsqu'il me proposa de nous retrouver le lendemain, il apporterait l'ours. Acculée, j'acceptai, inquiète de ce qui pouvait advenir. Je ne dis rien à ma mère, ni au père Jean.

Depuis ce temps, je n'ai jamais vécu d'expérience aussi forte que celle qui va suivre, c'est sans doute pour cela qu'elle est gravée si profondément dans ma mémoire. Jamais je n'ai éprouvé la même sensation : ne plus m'appartenir, être habitée par quelqu'un d'autre.

Lorsque je me rendis au rendez-vous, du haut de mes dix ans, j'étais convaincue d'être dépositaire d'une vérité, j'étais la seule à pouvoir aider cet étranger et quoiqu'il advienne, je voulais aller au bout. Je savais qu'ainsi je serais enfin libérée.

 

Assise comme la veille au pays des Olmèques, l'ours dans les mains, je me concentrai. Des images du premier rêve vinrent, d'abord désordonnées, puis la scène de l'étranglement s'imposa, je suffoquai et je perdis connaissance.

Lorsque je revins à moi, le visage de l'homme, inquiet, se découpait sur fond de ciel bleu. Il me souriait, il était vraiment désolé de m'avoir imposé une telle épreuve, il voulait en rester là. Je m'obstinai, je repris ma place, l'ours dans les mains, il s'installa à mes côtés. Nous étions seuls au pays des Olmèques, au loin la ville bourdonnait.  Je me concentrai. De fugaces images défilèrent, lorsque le corps inanimé de Jane m'apparut, je m'accrochai à cette vision, je redoublai de concentration, j'avais le sentiment de tenir le fil qui me conduirait à la suite de mon rêve, je ne le lâchai pas, un sentiment de fatigue me pénétrait, il fallait tenir. La femme à la robe blanche entra en scène, elle tira le petit corps vers la forêt, le fit basculer au fond d'un trou qu'elle referma et qu'elle couvrit de fleurs écarlate. Un voile opaque tomba devant mes yeux, puis la lumière m'aveugla, j'avais très mal à la tête. L'homme à côté de moi était silencieux. J'étais au pays des Olmèques et j'entendais au loin le bourdonnement de la ville. Je me levai et telle une somnambule, je m'enfonçai sous la ramure, l'homme me suivit.

Dans un endroit reculé, nous découvrîmes des fleurs écarlates qui jonchaient le sol. Il se jeta à terre et creusa de ses mains, il avait compris sans que je ne prononce une seule parole. Je le regardai, calme, le cauchemar, pour moi, était fini. Le visage de la petite fée parut. Il pleura, il creusa. La petite fée semblait endormie, il déposa un baiser sur son front, plaça l'ours sur sa poitrine et fit couler la terre entre ses mains, refermant à tout jamais la tombe. Il récita une prière, je l'accompagnai.

Nous descendîmes vers la ville la main dans la main, complices. Au bas du sentier, il déposa un baiser sur mon front et partit sans se retourner. Le pacte du silence était scellé.

 

La vie reprit son cours. Je ne rêvais plus. Les affiches disparurent. Je retournai de temps en temps au pays des Olmèque éparpiller sur la tombe de Jane une brassée de fleurs écarlates.

Quelques temps après, je reçus une lettre du père de Jane, il avait regagné l'Angleterre. Sa femme était soignée en psychiatrie. Il me remerciait pour mon aide et m'annonçait qu'il y aurait pour moi un mandat trimestriel durant quinze années.

 

                                                                                           FIN

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commentaires

N
Merci pour la bonne nouvelle d'un nouvel ouvrage, attendu avec impatience. J'espère que mon MAG PRESSE (bd Lafayette, à Clermont) va l'avoir. Les propriétaires font l'effort de présenter un rayon<br /> littérature, ce qui est d'autant plus appréciable avec la fermeture des mythiques Volcans.<br /> Cordialement, Nadine B.
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P
<br /> <br /> Bonsoir<br /> <br /> <br /> Je vais prendre contact avec votre Mag Presse et j'espère aller y passer une journée pour dédicacer ce nouveau roman. A très bientôt. <br /> <br /> <br /> Amicalement.<br /> <br /> <br /> Pascale<br /> <br /> <br /> <br />
F
Bravo!
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P
<br /> <br /> Merci... pour ton soutien, etc. <br /> <br /> <br /> <br />
N
Merci pour cette pépite mais j'attends avec impatience un ouvrage un nouvel ouvrage!
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P
<br /> <br /> Bonsoir<br /> <br /> <br /> Un nouveau roman en librairie : Disparition à Manadieu, vous y retrouverez Clarisse la bibliothécaire dans une nouvelle aventure.<br /> <br /> <br /> Vous souhaitant une bonne lecture.<br /> Au plaisir<br /> <br /> <br /> Pascale Blazy <br /> <br /> <br /> <br />