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23 octobre 2023 1 23 /10 /octobre /2023 17:00

Proposition d'écriture : Eau - Enfance 

 

Pirate au féminin

 

Depuis qu'elle avait lu ce livre sur la flibuste, la frêle petite Ondine rêvait d'égaler Jacotte Delahaye, pirate dans les Caraïbes. Cette femme rousse et maline, surnommée « la revenue de la mort rouge » avait su ruser, faire croire qu'elle était morte pour échapper à ses ennemis, tout comme elle, Ondine, aux longs cheveux roux bouclés qui n'avait pas son pareil pour simuler une maladie afin d'esquiver les leçons de la maîtresse trop sévère. Elle savait aussi très bien faire semblant de dormir pour fuir de la chambre pendant la sieste, ou même la nuit, et se dérober à la vigilance de grand-mère chez qui elle passait les longues vacances d'été. Elle sautait par la fenêtre, se laissait glisser le long de la gouttière en s'agrippant fermement au treillage de la glycine ; une fois en bas, à elle la liberté !

 

Ondine, pirate de la rivière courait le long de la berge jusqu'à la plage de sable grossier où elle s'allongeait à plat ventre pour suivre des yeux l'eau qui coulait inexorablement jusqu'à la mer où l'aventure l'attendait.

Elle avait pillé l'abri de jardin des outils nécessaires à la fabrication de son radeau, s’était faufilée dans la forêt de bambou du voisin et avait coupé de-ci de-là, pour ne pas attirer les regards, les cannes qu'elle avait épluchées et liées bien serrées avec de la ficelle.

Son radeau enfin prêt, Ondine l'avait dissimulé dans un bosquet.

Ce serait pour ce soir.

 

Une fois que grand-mère l'eût bordée, elle attendit que la nuit vienne, que le calme s'installe. Alors, se saisissant de son sac rempli de provisions, elle alla retrouver son cher bateau.

L'eau scintillait de mille éclats sous les rayons bienveillants de la lune toute ronde.

Ondine glissa son radeau dans la rivière, aspira profondément l'air du soir chargé des senteurs de la prairie et sauta sur son embarcation. En quelques petits coups de rames qu'elle avait empruntées au canoë de son cousin, elle se plaça dans le courant. Elle n'avait plus qu'à se laisser porter jusqu'à l'estuaire.

 

Elle se voyait déjà conquérante de l'espace infini de la mer, plantant fièrement son mat, manche à balai, hissant la voile, nappe blanche du dimanche et son drapeau à tête de mort découpé dans un torchon qu'elle avait cousu à gros points sur une écharpe sombre de grand-mère. Elle voguerait bercée par les vagues ourlées d'écume.

Ce radeau n'était que le début de l'aventure. Comme Jacotte, elle aurait sous ses ordres plusieurs centaines de pirates et d'énormes bateaux. Ce serait elle qui donnerait le signal : « à l'abordage ! ». Elle serait connue et redoutée sur toutes les mers du globe.

 

Le radeau filait maintenant à vive allure, la rivière s’était élargie, le courant était plus fort.

Le jour se levait, Ondine attendait avec impatience de pénétrer dans l'estuaire.

Soudain, le radeau tangua, tourna sur lui-même, Ondine actionna ses rames pour rétablir le cap, mais le frêle esquif n’obéissait qu'à la force de l'eau. Sans qu'elle pût réagir, elle fut emportée, soulevée dans les airs, propulsée au bas de la cascade.

A l’atterrissage, la ficelle distendue laissa échapper les bambous qui s'éparpillèrent autour d'elle.

Ondine coula à pic.

Elle ferma les yeux.

Soudain, elle se sentit happée par des tentacules, sans doute un monstre hideux, habitant de la chute d'eau qui allait la dévorer.

Elle s’évanouit.

 

Quand elle reprit connaissance, elle était allongée sur la berge, au-dessus d'elle, se découpant sur le ciel d'un bleu limpide, une femme aux cheveux roux lui souriait.

Submergée par ses émotion, elle éclata en sanglots et se noya dans un torrent de larmes.

 

 

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