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24 décembre 2017 7 24 /12 /décembre /2017 20:02

Cette nouvelle a été publiée sur Facebook en 25 épisodes du 1er au 25 décembre 2017.

La voici en entier.

En ce temps-là, la paix régnait à nouveau sur la Grande Sphère.

Les Mondes voisinaient dans une totale indifférence.

À chacun son territoire.

Oublié le temps de l'égalité.

Oublié le temps de la grande amitié

Quand, sur les boulevards, on voyait des assemblées

D'Androïdes et d'Humains.

 

La discorde s'était installée.

Certains s'étaient ligués, organisant des attaques et véhiculant l'idéologie de l’infériorité.

Une guerre meurtrière avait ravagé le territoire, obligeant les protagonistes, sous peine de disparition totale, à tracer une frontière et à s'ignorer. 

 

Xénon fila entre les tours de béton, attentif à ne pas se faire remarquer.

Il avait pris l'habitude, pendant ses temps de liberté, de se rendre dans le bâtiment abandonné de l'ancienne bibliothèque et de grimper tout en haut.

 

C'était là qu'il cherchait la vérité.

C’était là qu'il avait scellé son secret.

 

Jamais il n'avait connu les Mondes réunis.

Jamais on n’en parlait, chez les Androïdes.

Il n'y avait pas d'histoire de son peuple.

Il n'y avait pas de légendes.

 

Il n'osait pas questionner.
Ce serait avouer qu'il avait pénétré dans le bâtiment interdit.

Les livres avaient été détruits.
La lecture n'était tolérée que lorsqu'elle apportait des informations, afin de remplir les tâches quotidiennes.

Tous les Androïdes savaient lire.

Xénon appartenait à la catégorie des « apprenants » : il était chargé de mettre en place les circuits qui permettaient aux robots, sortis de la matrice, de lire sur écran les instructions des « dominants ».

 

C'était un jour de repos traditionnel.

C'était un jour qui resterait exceptionnel.

Il avait suivi son instinct.

Il avait pénétré sur le terrain en friche.

Bien loin des tours.

Bien loin de l'agitation.

 

Sous le couvert des arbres, dans le bâtiment interdit, il était entré sans réfléchir, avait gravi l'escalier, explorant chaque étage désert pour arriver au sommet où un inestimable trésor attendait.

 

Au début, il avait douté.

Était-ce cela un livre ?

Il n'en restait qu'un.

Pour lui ?

Il n'osait s'en saisir...

Tremblant, il avait pourtant obtempéré.

 

Ce fut alors l'éblouissement.

Ce fut alors la révélation.

Vinrent ensuite les scrupules, les craintes et les hésitations.

 

Habité par la fièvre de la découverte, Xénon avait décidé d'aller à la rencontre du Monde des Humains.

Comme les portes frontières étaient bien gardées, il contournerait leur territoire et entrerait par une autre issue.

 

Ce fut dans l'agitation du quotidien qu'il décolla sur le dos d'une libellule d'acier.

Il survola les tours, regardant ses congénères grouiller dans les rues, puis vira vers l'inconnu, à l'opposé de sa destination.

 

Bientôt les tours disparurent.

Un assourdissant silence envahit l'espace.

La libellule dérivait au gré d'un courant d'air tiède.

 

Ce fut brusquement un souffle chaud qui les surprit.

Ce fut brusquement un souffle brûlant qui les suffoqua.

Ils ralentirent.

Ils cherchèrent à se poser.

 

En dessous, des cratères, à la gueule béante, vomissaient du magma en fusion. Des fumerolles de gaz toxique s'élevaient en tournoyant.

La libellule les esquivait, non pas qu'elle craignît d'en inhaler le poison, mais la condensation de ces vapeurs risquaient d'attaquer les pièces les plus fragiles de leur mécanique.

Autour des volcans, des personnages trapus, de forme humaine, s'agitaient. D'une force peu commune, ils puisaient la lave au cœur des cratères pour la verser dans des cuves montées sur des roues qu'ils tiraient avec des filins d'acier, lorsqu'elles étaient pleines.

Où allaient-ils ?

Xénon et sa monture ne s'en souciaient guère.

L'un d'eux tourna son œil unique vers le ciel.

D'un grognement, il avertit ses compagnons.

Désormais tous ces yeux les regardaient.

La libellule accéléra le mouvement de ses ailes, émettant un vrombissement sourd qui sembla heurter les oreilles des cyclopes.

Un concert de rugissements lui fit écho.

Regroupés autour d'une curieuse machine, les cyclopes actionnèrent une sorte de levier qui mettait en marche une pompe.

D'autres, brandissant un long tuyau, en dirigèrent l'embout vers les intrus.

Dans un effroyable gargouillis, le magma jaillit dans le ciel.

 

La libellule vira de bord.

La libellule s'éleva aussi haut qu'elle put.

Hors de la portée de la lave en fusion.

 

Ce fut un gigantesque courant d'air glacé qui les cueillit.

Ce fut un gigantesque courant d'air glacé qui les enlaça.

Les conduisant loin du monde des cyclopes.

Les conduisant au cœur d'un désert de glace.

 

Le vent, au corps informe, s'amusait de ses visiteurs.

Les soulevant pour mieux les précipiter dans l’abîme, avant de les reprendre in extremis.

Xénon et la libellule, impuissants, faisaient corps.

 

C'était un monde féerique.

C'était un monde de givre.

Une lumière violette irradiait les blocs de glace.

Une lumière violette inondait l'espace.

Le vent fatigué lâcha prise.

La libellule plana un moment sans repère.

Se rétablissant enfin, elle reprit une allure de croisière.

Le Monde des Humains était là !

 

Xénon et sa compagne d'acier se posèrent.

Le robot profita de ce répit pour se projeter l'image du livre que ses yeux avaient enregistrée, puis il relut le fichier contenant le texte.

Quelques pages retraçaient la vie des deux mondes réunis.

De nombreux feuillets manquaient, sans doute ceux consacrés à la guerre. Les trois derniers annonçaient la scission du Monde en deux entités égales.

 

Fallait-il croire à la prophétie qui concluait l'ouvrage ?

Fallait-il croire qu'un être de lumière réunirait à nouveau les Mondes ?

Une image déchirée montrait un château.

Il était dit qu'en cet édifice, la nuit du solstice d'hiver, un passage s’ouvrirait, entre les territoires et que celui...

Xénon voulait croire que celui qui passerait serait le rassembleur.

Xénon voulait croire qu'il était celui-là.

Et que bientôt, les deux Mondes ne feraient plus qu'un.

 

Pour l'heure, il devait chercher le château.

D'après les calculs qu'il avait lancés, le temps propice au passage était imminent.

Une rapide recherche lui indiqua la proximité d'une bâtisse.

Grimpé sur la libellule, il survola une forêt dense.

Les arbres formaient un écran.

Xénon la fit se poser.
Impossible de louvoyer entre les troncs, sur son dos.

Bravement, il s'enfonça dans le bois sombre.

A grandes enjambées, il parcourut la distance qui le séparait de l'édifice, construit dans une clairière.

 

Ce fut une grande déception.

Ce fut un véritable cataclysme.

Des ruines, rien que des ruines !

Ultime vestige, une tour branlante se dressait.

 

La porte vermoulue céda à la première poussée.

La végétation avait envahi l’intérieur.

L'escalier était impraticable. Rongées par les ronces, les marches s'étaient en partie écroulées. 

 

Xénon émit le signal convenu en direction de son amie d'acier.

Subitement, il se sentait seul.

Ses espérances s’effondraient.

Elle arriva en quelques coups d'ailes.

 

La nuit approchait, elle serait noire et opaque.

La plus longue de l'année.

Xénon repassa la dernière page du livre.

« Une porte s'ouvrait... »

Comment trouver une porte ?

La seule subsistante était celle de la tour et il l'avait franchie.

 

Dans l'obscurité, le robot émit une douce lumière bleutée.
Rassurante.

Dans le silence de la nuit, retentit le tintement sourd d'une horloge.

Émanant des profondeurs, il résonnait.

Le sol vibrait.

Quelques pierres se détachèrent du sommet de la tour.

Xénon et la libellule d'acier s'abritèrent contre l'escalier.

A la lueur de la douce lumière émise par le robot, une anfractuosité dans le mur apparut.

Le tintement s'en échappait.

Sourd et lancinant.

Six coups avaient déjà sonné.

Xénon se faufila dans la brèche, tandis que la libellule manœuvrait pour passer sans endommager ses ailes.

Une salle voûtée s'ouvrit devant lui.

L'horloge était là, égrenant le temps.

Le robot retourna vers son amie, plia ses ailes et la porta dans ses bras.

Au onzième coup, ils étaient là, tous les deux.

 

Au douzième coup, la porte de l'horloge s'ouvrit en grinçant.

Sans hésiter, ils entrèrent.

La chute fut brutale.

La descente vertigineuse.

Dans un long tube, ils glissèrent.

Ils atterrirent dans la corolle d'un nénuphar géant, aux pétales laiteux.

Propulsés par un geyser, ils s'élevèrent au-dessus des Mondes.

Flottant, dans la corolle luminescente, ils virent venir à eux les Androïdes et les Humains qui les acclamèrent, bras levés.

Un éclair zébra le ciel, suivi d'un roulement de tonnerre.
Le sol trembla sous la chute des murs frontières.

 

C'était le temps de la réconciliation.

C'était le temps de la fusion.

Les deux Mondes n'en firent plus qu'un.

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commentaires

J
Très belle histoire , utopique , sans doute, mais on aime y croire.
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